Groupe de travail académique – vendredi 12 mai 2023
« Le droit à la déconnexion »
Présent·es : DRH de l’académie d’Amiens, secrétaire général de la DSDEN de la Somme et de l’Oise (visio), Conseillère de prévention académique (CPA), Conseiller·es départementaux de prévention, Inspectrice Santé et Sécurité au Travail (ISST), Psychologue du travail de l’académie, CTSS- du recteur, chef du département « Service relations usagers » DRASI.
Organisations syndicales : FSU, SGEN-CFDT, UNSA, FO.
Le rappel de la FSU : La loi (code du travail) reconnaît le droit à la déconnexion aux salarié·es, c’est à dire la possibilité de ne pas se connecter et de ne pas être contacté par voie numérique (courriels, SMS, etc.) par son employeur pendant son temps de repos. Ce droit ne souffre d’aucune exception. L’employeur doit mettre en œuvre des dispositifs de régulation et des actions de formation pour que soit assuré le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.
Et dans la fonction publique ? Cette partie du code de travail ne s’applique pas à la Fonction publique d’État. Pour autant, cette dernière a traduit réglementairement le droit à la déconnexion par la circulaire du 31 mars 2017 qui demande que soient mises en place, des « chartes du temps ». La circulaire précise que ces chartes doivent permettre une meilleure prise en compte des impacts liés aux technologies de l’information et de la communication sur les conditions d’exercice des fonctions et sur la vie personnelle et préciser les modalités de mise en œuvre du droit à la déconnexion. L’administration publique est donc réglementairement incitée à respecter le principe de déconnexion.
C’est dans ce cadre que se réunissait le groupe de travail de vendredi 12 mai 2023 à Amiens et auquel a participé activement la FSU et ses représentant·es.
*** Compte-rendu de la réunion ***
DRH : Ce groupe de travail était prévu depuis longtemps. Il s’agit d’une première réunion. La problématique ne sera pas réglée en une seule fois. Ce groupe de travail se réunit en lien avec les travaux des F3SCT-A et D, la charte académique du télétravail et le programme annuel de la prévention des risques professionnels. La question de la déconnexion touche l’ensemble des personnels de l’académie. L’objectif est d’aider les personnels à maîtriser les usages du numérique (formation…) et cela touche à la bonne organisation du travail. Il faut que chacun·e respecte ce cadre sans être dans des injonctions contradictoires. L’idée est de travailler sur des documents donnant une base sur « la déconnexion ». Les deux documents sont des projets (une charte et un guide) et ont été travaillés avec le pôle prévention de l’académie d’Amiens. Certaines académies ont déjà avancé sur le sujet, d’autres non.
Tout ne pourra pas être solutionné par une charte et un guide. Les agent·es n’ont pas d’information sur ces risques ; le but est d’y travailler.
CPA : C’est une thématique de prévention des risques et de sensibilisation des agent·es sur l’usage du numérique et ce que cela peut engendrer : « Si j’accepte de répondre à des parents d’élèves le week-end je m’expose moi-même » et il y a donc un travail de sensibilisation. L’académie s’engage dans le respect des missions de chacune et chacun.
DRH : La charte académique définit les grands principes de ce droit à la déconnexion
La FSU interroge sur la destination de cette charte car les usages du numérique sont différents entre les différentes catégories de personnels même si l’usage de ces derniers s’est fortement développé ces dernières années. Par exemple le télétravail ne concerne qu’une toute petite partie des personnels de l’académie.
La FSU rappelle, par exemple, que les ORS (Obligations réglementaires de services) des personnels enseignant·es n’intègrent pas de temps pour consulter sa messagerie professionnelle alors que beaucoup de personnels la consulte pourtant. La FSU est favorable à ce que la hiérarchie maintienne la mention « les personnels … ».
DRASI : Les services académiques mettent à disposition des personnels des outils qui permettent de répondre à toutes les questions et nécessités mais, malgré cela, les collègues utilisent des outils privés.
La FSU revient sur un point essentiel : il ne suffit pas de communiquer sur des outils pour que les personnels se les approprient. Les personnels ont besoin de formation et de temps. La FSU rappelle, notamment, que la dernière enquête de la DEPP (ministère de l’Éducation nationale) quantifiait le temps de travail des professeur·es des écoles à 43 heures par semaines alors que seules 27 heures sont reconnues (24h heures en classes + 3 heures annualisées avec les 108h). Tant que cette question ne sera pas réglée et ce temps reconnu (avec le salaire augmenté), parler de déconnexion est « hors-sol » pour les personnels. Le document de travail (charte) présenté par la hiérarchie indiquait que « les agents ne sont pas tenus de répondre à des courriels, messages (ENT) ou appels téléphoniques à caractère professionnel en dehors des heures habituelles de travail, pendant les congés, les temps de repos et les absences ». Chiche ! En effet, dans les obligations réglementaires de services des personnels, notamment des enseignant·es et AESH, de l’éducation nationale : aucun temps n’est prévu et quantifié pour consulter et répondre à des courriels professionnels et d’autres sollicitations numériques. Si cette charte et ce guide ont une intention louable, les éléments qui y sont portés ne sont pas du niveau exigé et attendu par les personnels qui réclament une baisse du temps et de la charge de travail. En l’état, cette charte serait une provocation à l’égard des personnels. Si la hiérarchie veut parler déconnexion alors il faut discuter du temps de travail, de la journée de travail, des pressions hiérarchiques, de la communication de la hiérarchie (délais de réponses, mode de communication), de l’organisation du travail en général et revoir les ORS des personnels.
La FSU remet d’ailleurs pour exemple les derniers courriels d’un IEN de circonscription du Sud de l’Oise envoyée à une directrice d’école et demande comment, dans ces conditions, la collègue pourrait « se déconnecter » face à une communication tellement abjecte ?
Quand les personnels consultent-iels leurs courriels et y répondent-iels? Assurément, pas pendant la classe car iels font classe ! Pas le matin car iels s’installent ! Pas en fin de journée puisqu’iels se réunissent, corrigent, reçoivent des parents, rédigent des dossiers et préparent la classe du lendemain ou des jours suivants ! Preuve en est faite au regard des données communiquées par la DRASI qui mettent en évidence une « remontée » des accès au Webmail le soir… après 20h et jusque tard dans la soirée !
La FSU s’inquiète aussi de l ‘éloignement physique que le numérique peut instaurer, notamment entre les personnels.
La FSU rappelle également que :
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beaucoup d’écoles ne sont pas correctement équipées (ordinateur, accès à internet) ;
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les personnels n’ont pas de téléphones portables professionnels ;
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beaucoup de fonctionnalités du nouvel Intranet académique sont utiles mais méconnues des personnels faute de temps et de formation ;
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beaucoup d’outils existent pour communiquer (mél professionnel, ENT, i-prof, Pronote…) et qu’en une journée, au total, il peut y avoir une soixantaine de notifications par personnel ;
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l’usage des messageries instantanées privés (dont les données ne sont pas protégées telles que Whatsapp ou autres), comme des réseaux sociaux (Facebook notamment) dans un cadre professionnel (relations avec les parents, les usager·es ou entre professionnels) n’est pas légal et donc interdit.
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certains outils sont accessibles 24h/24 et 7j/j pour les usager·es (par exemple l’ENT) et ces dernier·es peuvent, pour certain·es, attendre et souhaiter une réponse rapide si ce n’est immédiate (ce qui peut être compréhensible car des communications de l’éducation nationale peuvent arriver le soir, les week-end ou pendant les congés) ;
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la prime d’équipement informatique de 150 euros par an est dérisoire et insuffisante.
CTSS : Il s’agit d’un guide des « bonnes pratiques » des usages du numérique.
DRH : Il s’agit d’une fiche conseils, d’une fiche de bonnes pratiques. Il s’agit de recommandations et pas d’injonctions. Il est nécessaire de rappeler aux personnels qu’il faut se poser et réfléchir à ce que l’on fait sur l’utilisation de ces outils. Il s’agit de protéger d’abus dont les personnels n’ont pas forcément conscience.
SG 80 : Les conflits et les difficultés ne peuvent être gérés en direct et pas par courriel. Il est nécessaire de prendre du temps, de ne pas répondre immédiatement à un message.
Pour la FSU, il serait également intéressant de travailler à :
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la publication d’un mode d’emploi du webmail académique ;
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la mise en place d’astreintes rémunérées en dehors du temps de travail pour certains personnels afin d’éviter aux autres personnels d’être sollicité·es ;
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limiter les envois de courriels en fin de semaine et veille de vacances et penser à programmer les envois différés par exemple ;
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la concertation des personnels dès qu’un changement dans les pratiques est souhaité ;
La déconnexion c’est aussi bon pour la planète.
La FSU indique évidemment qu’elle est une fédération syndicale et qu’elle porte des mandats pour améliorer les conditions de travail des personnels mais que sa réflexion porte aussi sur la globalité de notre société. Si la déconnexion est absolument nécessaire pour les personnels, elle l’est aussi pour la planète. En effet, il est nécessaire de réfléchir à nos consommations d’énergie pour des questions évidemment financières mais aussi (et surtout !) pour des raisons environnementales. L’usage du numérique a, lui aussi, des conséquences sur le réchauffement climatique parce que les données sont stockées et échangées de plus en plus vite, dans des quantités de plus en plus importantes.
La DRASI confirme et indique que la limitation de la consommation numérique est « bonne pour la planète » mais aussi pour les serveurs de l’académie d’Amiens.
La FSU indique que la F3SCT-D de la Somme travaille actuellement à une enquête départementale sur la déconnexion. Aussi, la FSU propose d’attendre les retours et les conclusions de cette enquête pour poursuivre le travail académique.
Cette proposition est retenue par la hiérarchie présente.