Comment dissimuler le fait qu’en l’absence de personnels territoriaux supplémentaires pour assurer le nettoyage plusieurs fois par jour des écoles et établissements, qu’en l’absence de suffisamment de locaux pour accueillir tous les élèves en petits groupes chaque jour et qu’en l’absence d’enseignants supplémentaires pour s’occuper de classes dont les effectifs ne doivent plus dépasser quinze élèves, quoi qu’en dise le ministre, il est impossible pour « toutes les familles qui le souhaitent [de] pouvoir scolariser leur enfant » ??? En racontant que c’est de la faute des profs, qui ne veulent pas s’occuper des élèves… Lamentable !
Communiqué du SNUipp-FSU du 10 juin 2020 : « Ils sont bien là »
Communiqué du SNES-FSU du 11 juin 2020 : « Prof bashing – Indigne et irresponsable »
Depuis quelques jours, plusieurs médias se plaisent à relayer des propos scandaleux sur les professeurs : « où sont les profs », « les profs abandonnent les élèves », « enseignants en roue libre », « profs décrocheurs », la liste est très, trop longue.
À la lecture de ces qualificatifs, la colère et l’indignation des personnels sont grandes.
Pendant le confinement, quand le ministre de l’Éducation nationale se perdait en annonces contradictoires, semant le trouble dans la communauté éducative, les professeurs continuaient d’inventer des solutions pour faire cours à distance, pour contacter les familles par tous les moyens possibles…en un mot de faire vivre le service public d’éducation. Seuls. Avec leurs moyens. Parce que la communauté éducative, confinement ou pas, n’a qu’un seul objectif : la réussite de tous les élèves.
Aujourd’hui, dans les établissements ou à distance, les professeurs poursuivent, coûte que coûte, leur travail avec les élèves dans cette fin d’année si étrange. C’est sans doute plus discret qu’une déclaration ministérielle, qu’une pseudo enquête dans un JT de 20h ou qu’une déclaration fracassante dans un talk show. Mais sans aucun doute, c’est beaucoup plus efficace pour nos élèves.
Nous sortons à peine d’une crise exceptionnelle. Elle impose des réponses à la hauteur des enjeux. Ce n’est pas en s’adonnant à la pratique si facile car si simple du dénigrement que l’on résoudra les questions d’inégalités ou de réussite de tous les élèves. Le manque de courage est du côté de ceux qui diffament des milliers d’agents de l’Éducation nationale.
L’Éducation sera une des clés du monde d’après. Il ne se construira pas sans les personnels de l’Éducation nationale. En laissant prospérer ce dénigrement systématique d’une profession qui a été au rendez-vous de la crise, le Ministre joue un jeu dangereux. Le SNES-FSU exige qu’il s’exprime publiquement pour dénoncer cette campagne calomnieuse.
Profs – du journalisme décrocheur :
« longue enquête »sur ce
« sujet tabou ». Évanouis les profs. Disparus. Volatilisés. Ses sources ? Le témoignage d’une famille (anonyme
« pour ne pas nuire à la scolarité de leur fille »,mais dont la maman est
« infirmière à l’hôpital »), qui
« a décidé de briser un tabou »,dont deux profs ont ainsi « décroché ». Mais ce n’est pas tout. Julien Nény a aussi recueilli
« des dizaines de témoignages de parents, d’élèves et de proviseurs »,y compris
« sur les réseaux sociaux ».Il a eu connaissance de
« la lettre de parents d’élèves à un recteur d’académie« . Au total,
« selon nos informations confirmées par le ministère de l’Éducation, 4 à 5% des enseignants dans le public n’ont pas travaillé. Pour autant à ce jour, aucun prof décrocheur n’a été sanctionné ». Que fait la police ?
Les coupables ? Leurs syndicats ? On ne le verra pas, on ne sait même pas si France 2 a tenté de les contacter – sinon un syndicat de l’enseignement privé. Sans doute auraient-ils évoqué le matériel pédagogique hors d’âge fourni par le ministère (voir notre enquête), les nécessités du bricolage technologique, et les préconisations sanitaires de cette rentrée au forceps et en trompe-l’œil, qui ont apparenté dans beaucoup d’établissements cette rentrée à une garderie.
Ce ne pourrait être qu’un reportage télécommandé par un ministre dont le nom commence par Blan et finit par Quer, un de plus. Mais là où la chose prend une autre dimension, c’est que dans les derniers jours, plusieurs médias et éditorialistes ont brodé ensemble sur le même thème, sans aucune source repérable. Significativement, la campagne a été lancée par la feuille patronale L’Opinion
, le journal de Nicolas Beytout, spécialisée dans les « ménages d’entreprise ».
« Où sont les profs ? »
se demande avec angoisse le journal le 7 juin. Heureusement,« la fin de la récré a été sifflée en fin de semaine dernière par Jean-Michel Blanquer. Des consignes de fermeté ont été passées aux recteurs (…) . Fini la « bienveillance » et la « tolérance » pour les enseignants aux abonnés absents. Ils doivent désormais avoir une bonne raison de rester à la maison et être en mesure de le prouver. De quoi secouer un peu
la moitié d’entre eux
qui, encore aujourd’hui, n’a pas repris le chemin de l’école et dont une part non négligeable serait à ranger dans la catégorie des tire-au-flanc »
. Sans crainte de briser le « tabou »
, cette campagne de L’Opinion
est reprise par plusieurs médias, dont par exemple BFM.
La campagne parvient même jusqu’aux oreilles de Dominique Seux, directeur des Échos
(LVMH) citant sur France Inter « un ministre en première ligne, en privé »
: « Si les salariés de la grande distribution avaient été aussi courageux que l’Éducation nationale, les Français n’auraient rien eu à manger. C’est peu aimable et sans doute injuste, mais cela montre que c’est le sujet aujourd’hui le plus important »
.
Moralité ? Il est tout à fait possible (je n’en sais rien, n’ayant pas enquêté) que 5% des profs aient « décroché »,
perdus dans la débrouille technologique.
Comme il est tout à fait possible (je n’ai pas davantage enquêté)
que 5% des journalistes de France 2 soient des tire-au-flanc, qui font passer le relais de la parole du ministère pour une « longue enquête »
. Laquelle « longue enquête »
aurait pu rappeler que 5% est le taux d’absentéisme moyen en France, profs ou pas profs, avec ou sans pandémie. Des journalistes décrocheurs, en quelque sorte.