Vous lirez ci-dessous le texte adopté lors du Conseil fédéral régional de la FSU réuni à Breuil-le-Vert (60) le vendredi 14 février dernier.

Le CFR regroupe les représentants des syndicats, des structures départementales ainsi que des courants de pensée de notre fédération à l’échelle régionale.

Confrontée aux annonces gouvernementales en la matière, le CFR a pris cette position :

1- Parce que la FSU est opposée à la politique actuelle de régionalisation telle que défendue aujourd’hui par les institutions européennes et le MEDEF.

Si l’annonce de la disparition de la région Picardie se confirmait, elle constituerait sans doute une étape supplémentaire, inédite dans notre pays, pour tenter d’adapter son organisation territoriale

au modèle ultralibéral défendu par les institutions européennes actuelles.

Ce modèle de régionalisation, appuyée sur des collectivités territoriales régionales dotées de compétences renforcées, vise à affaiblir en fait le rôle joué par l’État (acteur des politiques publiques) et à rendre possible toutes les dérèglementations exigées par le MEDEF et ses représentants au nom de la mondialisation.

2 – Parce que la disparition de la région Picardie signifierait sans aucun doute la disparition de toutes les directions régionales qui organisent les services publics en région et donc de plusieurs

centaines d’emplois : rectorat, directions régionales de l’action culturelle, de la jeunesse et sports et de la cohésion sociale, des services préfectoraux « Région »…

3- Parce qu’un tel projet ne peut aboutir sans une réelle consultation des citoyens. Rappelons tout de même que les citoyens des départements alsaciens avaient refusé, par leur vote lors

d‘un référendum local, un projet de fusion de leurs deux départements et de la région Alsace en avril 2013.

« L’annonce par le chef de l’État, relayé par le député Thierry Mandon, d’une possible réduction du nombre de régions a fait ressurgir le projet, enterré en 2009, de démantèlement pur et simple de la région Picardie.

Ce scénario envisageait le rattachement de chacun des trois départements de notre région à une région limitrophe : Champagne-Ardennes pour l’Aisne, Ile-de-France pour l’Oise, Nord-Pas-de-Calais pour la Somme.

Certes, la région Picardie est une création administrative des années 1960. Elle a rapproché des départements dont l’histoire était notablement différente et qui n’avaient que peu de passé commun.

Mais le caractère artificiel du rapprochement des territoires concernés se trouvait déjà dans au moins deux des trois départements de notre région : l’Oise est un mélange de Picardie au nord, de Valois à l’Est, de Normandie à l’Ouest, et son sud est tout entier lié au Bassin parisien. On

trouve la même diversité dans l’Aisne, entre une Thiérache profondément ancrée dans une identité picarde, et un sud si champenois qu’une partie de sa production vinicole bénéficie même de l’appellation « Champagne ».

La question n’est donc pas tout à fait celle d’une « identité » picarde, mais de la pertinence du projet de démantèlement de la région.

Sauf à accepter une baisse drastique des crédits d’intervention au cœur des territoires, force est de constater qu’aucun argument solide ne permet de justifier le scénario du démantèlement.

Ainsi, les problématiques spécifiques des territoires de Picardie, qu’il s’agisse de la ruralité, du taux de qualification très faible de la population, d’un PIB par habitant particulièrement bas, des reconversions industrielles nécessaires, ne peuvent se retrouver ni dans la région Nord-Pas-de-Calais, ni dans la région Ile-de-France.

Quelle serait la place de la Somme et de l’Oise dans ces régions ? La Somme représenterait à peine 11 % de sa « nouvelle » région, l’Oise pas même 7 % du total. Leur poids démographique et donc

politique serait sans commune mesure avec l’ampleur des défis que la disparité de situation par rapport au reste des régions impliquerait. Il y aurait ainsi un décalage de richesse considérable : la Somme est

20 % moins riche (PIB par habitant) que la moyenne des départements de l’actuelle région Nord-Pas-de-Calais, chiffre qui monte à 57 % pour l’Oise par rapport à l’Ile-de-France.

Ces deux départements deviendraient ainsi les « parents pauvres » de régions élargies au sein desquelles ils n’auraient pas la possibilité de voir leurs problématiques propres réellement prises en compte.

Si la disparité démographique serait moindre pour l’Aisne (qui représenterait 28 % de la nouvelle région), les écarts économiques resteraient immenses : le département actuellement « picard » a un PIB

par habitant inférieur de 30 % à celui des départements de Champagne-Ardennes, un taux de chômage supérieur de 4 points (14,3 % contre 10,4 %), un taux de pauvreté supérieur de deux points (14,7 %

contre 12,3 %).

Il y a fort à parier que les élus champenois ne verraient pas d’un bon œil l’arrivée dans leur région qui parvient déjà difficilement à maintenir son équilibre un département « à la traîne » dont ils auraient à résoudre

les problèmes sans en tirer le moindre bénéfice.

A l’inverse, dans une logique de rééquilibrage du territoire, l’intérêt de « ponctionner » le département le plus dynamique de la Picardie pour venir renforcer encore une région Ile de France déjà surdimensionnée peut sembler pour le moins discutable.

La Picardie est en difficulté. Elle l’est de par sa situation économique, par le démantèlement de son industrie, mais aussi par la faiblesse de l’investissement éducatif qui la prive d’une main d’œuvre qualifiée, susceptible de créer les conditions d’un redémarrage économique.

Les responsabilités en sont partagées : rappelons, pour ne prendre qu’un exemple, que l’État a supprimé près du quart des postes d’enseignants du second degré depuis 2002 et que la dépense régionale par lycéen est inférieure à la moyenne française.

On ne peut pas conserver toute une population sur le bord de la route, pour ensuite vouloir casser le thermomètre en éparpillant les difficultés créées entre plusieurs autres collectivités.

Si l’annonce de la disparition de notre région devait être suivie d’effet,

elle constituerait sans nul doute une étape supplémentaire dans

l’adaptation de l’organisation territoriale à une nouvelle réduction du

rôle de l’État, de la place des politiques publiques et en définitive des services publics en Picardie.

Pour toutes ces raisons, la FSU – qui tient à rappeler qu’un tel projet

ne saurait se faire sans consultation des citoyens – se prononce contre

le démantèlement de notre région, auquel les habitants n’auraient rien

à gagner. »